Dyspraxie et Proprioception

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Difficulté à poser une opération chez un enfant dyspraxique/dysproprioceptif

Je me désespère souvent de ne trouver, sous la plume de ceux qui sont présentés comme des experts de la dyspraxie en France, aucune allusion à la proprioception. Alors que toutes les découvertes sur ce sens convergent vers son rôle prépondérant dans l’organisation et la planification du mouvement (voir ici  ou là par exemple), dont celui des yeux.

Il semblerait d’ailleurs que le milieu sportif ait compris, bien avant nos chercheurs en neurosciences cognitives, l’intérêt de ce sens particulier :

Dans notre petit monde de l’entraînement sportif, en 2015, il est difficile d’ouvrir une page internet ou un livre sans que les termes de proprioception ou de contrôle moteur ne soient glissés ici et là.

Xavier Barbier, Préparateur physique et enseignant vacataire pour l’université d’Evry Val d’Essonne depuis 2016.

La vision française de la dyspraxie (développementale) s’appuie sur une compréhension développementale du cerveau. L’enfant développe et automatise des praxies ou programmes moteur durant sa croissance et la dyspraxie s’expliquerait par un ou des déficits du cerveau de l’enfant à élaborer, à planifier et à automatiser ces programmes moteurs. Le rôle de la proprioception, qui nous permet de connaître l’emplacement de nos différents segments corporels entre eux, ainsi que celui de nos globes oculaires dans leur orbite, est complètement occulté dans cette approche.

Néanmoins, quand on sort de France, on commence à trouver des allusions à un déficit au niveau sensoriel, dont proprioceptif, comme ici dans un dossier de l’association Suisse Dyspra’quoi ?

Extrait :

Dans la majorité des cas, les enfants dyspraxiques souffrent d’un déficit au niveau sensoriel.
De façon très schématique, la première charnière essentielle à l’action permet aux informations sensorielles (provenant de nos muscles, de notre peau, de nos yeux, nos oreilles, etc) d’être acheminées vers le système nerveux central, notre cerveau. Ces informations sont reçues, elles sont filtrées pour que le cerveau ne tienne compte que des plus pertinentes; une première interprétation est effectuée, cette fonction se nomme l’intégration neuro-sensorielle.
Puis se situe, dans un niveau plus complexe, la deuxième charnière où le cerveau organise et planifie son action, là on entre dans le domaine de la praxie.
La bonne circulation et l’interprétation des informations sensorielles sont une base essentielle pour la construction du développement moteur de l’enfant.

Et quand on s’intéresse aux publications internationales, on voit que le lien proprioception/dyspraxie (TAC ou DCD en anglais) est clairement fait, comme ici dans cet extrait d’un article du « Journal of Motor Behavior, Vol. 0, No. 0, 2016« , Assessing Proprioception in Children: A Review ; Virginia Way Tong Chu, Department of Occupational Therapy, Virginia Commonwealth University, Richmond, Virginia.

« Les enfants qui ont des difficultés avec la proprioception peuvent présenter des difficultés avec la coordination motrice et la planification. Ces enfants peuvent également avoir un contrôle postural et un équilibre médiocres […]. Des études ont montré que cette mauvaise proprioception a été liée à des difficultés avec l’ écriture manuscrite (Falk, Tam, Schwellnus et Chau, 2010; Schneck, 1991) et une mauvaise coordination (Fatoye, Palmer, Macmillan, Rowe et van der Linden, 2009; Johnston, Short et Crawford, 1987; Mon-Williams, Wann et Pascal,1999). Ces difficultés rendent souvent difficile, pour ces enfants, l’apprentissage de nouvelles habiletés motrices, entraînant des retards moteurs. […]

Les enfants avec un trouble d’acquisition de la coordination ( DCD/Developmental Coordination Disorder), un autre trouble dont le diagnostic est généralement basé sur des retards moteurs, montrent également de mauvaises performances sur les tests proprioceptifs (Coleman, Piek et Livesey, 2001; Mon-Williams et al., 1999; Piek & Skinner, 1999; Schoemaker et al., 2001; Smyth & Mason, 1998) […]

Les retards proprioceptifs, les troubles du mouvement et les retards moteurs chez les enfants sont étroitement liés. La proprioception est importante pour le contrôle de la fluidité et de la précision des mouvements.[…]

Même si la plupart des enfants qui présentent une mauvaise proprioception n’ont pas une perte totale de la sensibilité proprioceptive, on peut en déduire les conséquences d’une mauvaise proprioception sur un système moteur en développement. En raison de l’importance de la proprioception dans la planification motrice et la coordination, il est important que les cliniciens évaluent la proprioception quand ils évaluent les habiletés motrices.

L’article dans son intégralité : .

Je trouve donc incompréhensible que nos spécialistes français de la dyspraxie éludent totalement cet aspect de la question …😕

Note 1 : Vous pouvez trouver deux petites études réalisées dans le cadre de mémoires pour l’obtention du DU du PATA (Perception, action et troubles des apprentissages) de l’université de Bourgogne explorant  le lien entre dyspraxie de développement et dysproprioception : là.

Note 2 : Pour approfondir le sujet, je vous propose de visionner cette vidéo qui a déjà 26 ans (!!!), dans laquelle le Pr Paillard (CNRS) nous explique le rôle de la proprioception dans le contrôle moteur :

Note : Image d’en tête parPintera Studio de Pixabay

2 réflexions sur “Dyspraxie et Proprioception

  1. Ping : Analyse critique et scientifique de la conférence « Dys-moi tout » ! – SensoriDys

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