Je vous invite à découvrir ce mémoire réalisé en vue de l’obtention du diplome d’Etat de masseur kinésithérapeute, par Steven Triboulet. Alors que je faisais des recherches sur le Net, son titre a tout de suite attiré mon attention :
« L’hémiplégie
Une rééducation sensorimotrice :
Le rôle de la proprioception
Bien évidemment, s’agissant de proprioception, on y (re)découvre la physiologie des systèmes sensoriels, que je me suis permise de reproduire ici. Et bien sûr, on y voit à quel point le feedback proprioceptif est important pour la réalisation correcte de mouvements et lors de l’apprentissage moteur. On y lit aussi, et c’ est au cœur de la dysfonction proprioceptive, que l’anticipation par le cerveau de l’action à entreprendre entraîne une sélection des informations sensorielles qu’il juge nécessaire pour la réalisation de celle-ci.
Enfin, on retrouve cités dans ce mémoire,les Prs Berthoz et Roll, chercheurs dont mes lecteurs ont déjà croisé le chemin à de nombreuses reprises 😉 .
Extraits du mémoire :
De plus l’ HAS écrit dans ses recommandations de bonne pratique que la sensibilité (en particulier proprioceptive) est un élément essentiel de la réalisation d’un geste moteur. Elle est le feedback interne qui régule l’ajustement de la production motrice à l’environnement et elle améliore les possibilités d’apprentissage moteur.
La proprioception (du latin “proprius” : propre et “recipere” : recevoir) est considéré comme la capacité à connaître la position de notre corps dans l’espace, ou de chacun de nos membres les uns par rapport aux autres, et à évaluer la résistance contre laquelle une tâche motrice est réalisée. Autrement dit, elle permet d’informer les organes intégrateurs afin de réaliser des tâches motrices spécifiques.
Le sixième sens, ou « sens du mouvement » ou encore « kinesthésie » comme le nomme Berthoz, résulte de la coopération de plusieurs capteurs sensoriels. Il permet à l’homme d’analyser le mouvement réalisé et de détecter les multiples propriétés de l’environnement avec lequel il interagit [12].
En effet, les afférences sensorielles provenant des récepteurs sensoriels sont transmises à travers les voies nerveuses sensitives jusqu’au système nerveux central où elles sont intégrées. Cette intégration permet à l’Homme d’effectuer une représentation interne prévisible afin de coordonner sa réponse motrice et d’adapter les conséquences de l’action qui sera réalisée. L’anticipation des conséquences, entraîne un choix raisonné de l’action à entreprendre en sélectionnant les informations que le cerveau, « de l’Homme » jugera nécessaire pour la réalisation de celle-ci ainsi il mobilisera intentionnellement les instruments moteurs utiles. Ces cinèses initiées sont guidées tout au long de leur course par une constante rétroaction des organes sensoriels.
« La performance motrice peut donc être considérée comme le produit de l’adaptation du système cognitif et sensorimoteur du sujet aux contraintes des situations auxquelles il est confronté » [13].
1) Physiologie des systèmes sensoriels :
Les afférences sensorielles agissent comme des signaux détecteurs d’erreurs et constituent un système informatif plurimodal essentiel dans la programmation motrice. Les systèmes sensoriels ont chacun des rôles spécifiques, particuliers et interdépendants dans la régulation de la boucle sensorimotrice. (Annexe X) Le système somatosensoriel :
Etymologiquement, la somesthésie désigne l’ensemble des sensations (aisthêsis) du corps (sôma). Plus généralement, le terme de somesthésie désigne les perceptions conscientes d’origine cutanée, musculaire ou articulaire. Pour plus de clarté, on les distingue généralement en trois grands niveaux : extéroceptif (la sensibilité cutanée), proprioceptif (sensibilité musculo-articulaire), et intéroceptif (sensibilité viscérale).
Les mécanorécepteurs proprioceptifs sont à l’origine de la proprioception ou « sensibilité musculo-articulaire ». Ils apportent de façon permanente des informations issues du corps propre aux centres nerveux supérieurs. Ils codent pour le sens de la position (statesthésie, angles), le sens des déplacements (kinesthésie, vitesse, direction, amplitude) des différentes parties du corps par rapport à un support ou un autre segment corporel, ainsi que le sens de la force requise pour réaliser le mouvement ou maintenir la position. Les mécanorécepteurs principaux sont :
– Les fuseaux neuromusculaires situés dans la quasi-totalité des muscles striés, ont un rôle primordial dans le reflexe myotatique dont l’intégrité est nécessaire au maintien du tonus postural. Ils renseignent sur l’étirement du muscle, ils donnent le sens de la position des segments et le sens du déplacement d’un segment par rapport à un autre et permettent ainsi de ressentir la vitesse du mouvement.
– Les organes tendineux de Golgi situés aux jonctions myotendineuses. Ils sont des indicateurs de la tension exercée sur le muscle lors d’une contraction ou d’un
allongement du muscle. Ils renseignent le cerveau sur les muscles antigravitationnels et sur l’effort à fournir pour produire tel mouvement.
– Les récepteurs articulaires situés dans les capsules articulaires et les ligaments,
comprenant différents capteurs : les organes de Golgi codant la position articulaire, les corpuscules de Ruffini (les plus nombreux) codant à la fois les mouvements et positions, les corpuscules de Pacini codant la vitesse angulaire des articulations (inactifs lorsque l’articulation est immobile).D’après Roll, la manipulation expérimentale des informations proprioceptives par le biais d’une vibration musculaire mécanique met en évidence le fonctionnement des récepteurs proprioceptifs. En effet, une vibration mécanique musculaire ou tendineuse d’intensité et de fréquence adaptées induit une modification des informations issues des fibres interprétée par le système nerveux central comme un allongement musculaire[14].
Les mécanorécepteurs extéroceptifs de la peau comprennent plusieurs types de récepteurs encapsulés dans une gaine conjonctive renseignant sur les stimuli externes et tout particulièrement la pression, les vibrations, la toucher. On distingue : les disques de Merkel sensibles au toucher (épiderme), les corpuscules de Meissner,
sensibles à la pression, les corpuscules de Pacini et les corpuscules de Ruffini qui sont eux sensibles aux vibrations.
L’importance des informations cutanées plantaires (des récepteurs extéroceptifs) dans le contrôle de la posture bipédique a été montrée au travers d’une méthode qui consistait à stimuler de façon mécanique les récepteurs plantaires [15].Concernant les deux systèmes de récepteurs, Roll a montré qu’ils coopéraient. Ces observations l’ont conduit à considérer que les muscles et la peau constituent un seul et même « couple » mécanosensible au service de l’organisation motrice et de sa représentation consciente. Ainsi, il s’autorise à « intégrer pleinement la peau, ou tout au moins l’une des fonctions qu’elle assure, dans la modalité proprioceptive » [16].
Le système vestibulaire :
L’oreille comporte trois parties : l’externe (capte l’énergie sonore), la moyenne (transmet l’énergie sonore) et l’interne composée de la cochlée et du labyrinthe vestibulaire. C’est au niveau de la cochlée que les sons sont transformés en influx nerveux, et c’est le système vestibulaire qui fait partie du labyrinthe vestibulaire.
L’appareil vestibulaire est composé de deux types de capteurs sensoriels à droite
comme à gauche, placés en miroir : les organes otolithiques renseignent sur les
déplacements linéaires. Ils sont pourvus de cellules ciliées vestibulaires qui agissent
comme un accéléromètre linéaire répondant aussi bien aux accélérations linéaires
qu’à la gravité. En arrière débouchant sur l’utricule, les canaux semi-circulaires remplis d’un liquide visqueux : l’endolymphe. Ils sont placés orthogonalement dans les trois plans de l’espace correspondant au système canalaire. Lorsqu’une accélération angulaire de la tête se produit dans le plan du canal considéré, l’endolymphe subit un retard inertiel par rapport au labyrinthe stimulant les cellules sensorielles ciliées renseignant ainsi sur les déplacements angulaires de la tête dans l’espace. L’ensemble de ces capteurs ont pour rôle d’assurer la stabilité de la posture et de stabiliser le regard [12]. Le système visuel :
L’œil est le capteur qui fournit des informations sur le monde extérieur. […] On distingue deux zones rétiniennes présentant des caractéristiques et des fonctions différentes.
Premièrement, la zone centrale de la rétine : fovéa, ne couvrant qu’une faible partie du champ visuel mais présentant une résolution très élevée, permet l’identification et la localisation précise d’un objet.
Deuxièmement, la zone périphérique de la rétine, couvrant un large champ visuel mais de faible résolution, est plutôt sensible aux variations de luminosité et renseigne des mouvements relatifs de la scène visuelle par rapport à l’individu.
La mise en évidence du fonctionnement des capteurs visuels est simple, il suffit tout
simplement de fermer les yeux pour sentir des oscillations de son corps ce qui prouve que les afférences visuelles jouent un rôle important dans le contrôle de l’équilibre.
De plus, grâce à la manipulation des informations visuelles, il a été montré que l’on
pouvait fausser la perception du mouvement en perturbant spécifiquement la vision
périphérique ou centrale [17].D’après la physiologie précédemment expliquée, on peut comprendre que les systèmes somesthésique, vestibulaire et visuel constituent un ensemble de systèmes qui contribuent au contrôle de l’équilibre et à la fonction motrice grâce à leurs afférences sensorielles. Ces afférences permettent l’anticipation puis, la régulation de l’action motrice afin d’en améliorer la représentation interne. Berthoz décrit longuement les étroites intrications entre sensibilité et motricité : « la perception n’est pas seulement une interprétation des messages sensoriels, elle est contrainte par l’action, elle est simulation interne de l’action… » [12].
Source : L’hémiplégie Une rééducation sensorimotrice : Le rôle de la proprioception