Neurones miroirs, proprioception, langage et émotions

Je vous ai déjà parlé ici à plusieurs reprises des neurones miroirs et d’expérimentations où l’on a constaté que lorsqu’ un sujet observe une image de joie ou de colère, de manière inconsciente, les muscles impliqués dans l’émotion sont activés très faiblement. Et c’est cette contraction musculaire, donc ce feedback (retour) proprioceptif, qui lui permet de comprendre l’émotion d’autrui. Il me paraît donc logique de penser que la proprioception des muscles de la bouche joue le même rôle, en lien avec les neurones miroirs, dans l’apprentissage du langage. J’ai donc trouvé intéressant cet article de Slate sur l’impact du port du masque par l’entourage des jeunes enfants. Sans vouloir entrer ici dans ce débat dont on ne mesurera réellement l’impact que dans quelques années, j’ai relevé quelques passages de cet article que j’ai trouvé intéressant et en lien avec notre problématique, notamment, le passage sur l’importance de l’imitation chez les bébés.

On y lit par exemple :

Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik […] nous explique le caractère important de l’imitation: «Si la mère ou l’adulte ouvre la bouche, le bébé ouvre la bouche, ils lui tirent la langue, il tire la langue. Il ne peut pas ne pas imiter parce que la neuro-imagerie montre que ses neurones miroirs déclenchent le même geste du visage que celui qu’il voit. […].» C’est grâce à l’imitation que les bébés prennent conscience qu’il y a «moi» et «autrui», qu’ils vivent donc en société.

La Dr Nadia Bruschweiler-Stern, pédopsychiatre aux hôpitaux universitaires de Genève, directrice du Centre Brazelton Suisse, rapporte une belle expression de son défunt mari, Daniel Stern, psychiatre, considéré par ses pairs comme une référence dans l’analyse du développement du nourrisson: «Le bébé est dans le son et lumière du visage de ses parents.» D’abord avec les proches, puis à la crèche, «c’est à travers ces contacts et cette intersubjectivité que l’enfant apprend les comportements de base».[…]«Le bain d’expressions humaines, c’est à la fois le guide de ses apprentissages et le régulateur de ses émotions

L’article de Slate nous rapporte ensuite l’expérience «Steel Face» [«visage impassible» en français], imaginée par  le Dr Edward Tronick , directeur de l’Unité du développement de l’enfant de l’ Université d’Harvard, qui met en évidence l’importance des expressions dans les échanges avec les bébés, dont je vous avais déjà parlé dans mon précédent blog. On y voit la réaction de panique et de stress du bébé devant le visage inexpressif de sa mère, alors qu’il est joyeux et dans l’interaction quand elle le regarde et lui sourit :

J’ai découvert dans cet article une autre expérience que je ne connaissais pas, celle de la «falaise visuelle» consistant à faire évoluer un bébé sur une surface plane qui devient transparente au milieu du parcours, mimant ainsi le vide. Le bébé va s’appuyer sur l’expression du visage de sa mère située de l’autre côté du parcours. Si le visage de la maman exprime la peur le bébé ne traversera pas, alors que si son visage exprime de la joie il traversera la zone mimant le vide.

Je suis fascinée par l’importance que semble revêtir la proprioception des muscles du visage en lien avec les neurones miroirs dans l’apprentissage des émotions et du langage chez les jeunes enfants. Quel impact une dysfonction proprioceptive peut-elle avoir dans ce domaine ? Pour ma part, je ne doute pas qu’elle ait un rôle dans le retard de langage que présentent beaucoup d’enfants souffrant d’une dysperception proprioceptive.

Pour terminer et pour le plaisir, je vous partage cette fois la vidéo d’une très jolie interaction entre un bébé et sa famille, neurones miroirs et feedback proprioceptif garantis !

Pour lire l’article de Slate dans son intégralité :

Le port du masque face aux bébés nuit-il à leur développement?


Revoir aussi :

Les neurones miroirs


Crédit : Image par thedanw de Pixabay 

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