Voici une étude très intéressante de Nathalie Goulème qui explore la perception spatiale d’enfants dyslexiques, et notamment la manière dont leurs entrées somatosensorielles plantaires (l’ensemble des informations provenant des capteurs sensoriels de la plante des pieds) influent sur leur perception de la verticale.
Des études précédentes avaient montré que les enfants dyslexiques peuvent présenter une déviance dans leur capacité d’exécution de tâches cognitives très exigeantes, telles que la lecture, dépendant de leurs entrées sensorielles. Jusqu’à présent, de rares études rapportent que l’amélioration des entrées somatosensorielles (comme par l’utilisation de prismes) peut influencer leur capacité à maintenir une perception stable du monde visuel, malgré les mouvements continus de leurs yeux, de leur tête et de leur corps.
Dans cette étude, les auteurs ont cherché à savoir si les changements de la perception verticale (la Verticale Visuelle Subjective / SVV), étaient influencés par les entrées somatosensorielles du pied, dans un groupe d’enfants dyslexiques.
La Vertical Visuelle Subjective est définie comme la capacité à à estimer la verticalité par rapport à la Terre, en l’absence de tout référentiel externe. Le SVV est essentiel pour maintenir la stabilité et accomplir efficacement les tâches posturales dans la vie quotidienne, étant donné que la plupart de nos actions motrices sont réalisées autour de l’axe vertical. Le SVV joue un rôle dans notre capacité à maintenir une perception stable des lettres, malgré les mouvements continus de nos yeux, de notre tête et de notre corps.
Dans cette étude, la tâche SVV était utilisée dans deux conditions distinctes, à savoir avec ou sans entrées somatosensorielles du pied (c’est-à-dire en diminuant les entrées somatosensorielles du pied avec la mousse). Les auteurs ont recruté un groupe de 20 enfants dyslexiques (enfants avec une déviation supérieure à 1,5 écart-type à la batterie L2MA ) et 20 enfants présentant un développement neurotypique, appariés par le sexe, l’âge et le QI.
Ils leur ont fait passer le test suivant :

L’enfant se tient debout avec ses pieds sur de la mousse (Orthomic®) et une bande laser est projetée sur le mur devant lui. La bande laser peut être inclinée à 15 ° dans le sens des aiguilles d’une montre et dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. L’enfant doit informer l’expérimentateur lorsqu’il perçoit la bande laser à la verticale. La télécommande pour l’orientation de la bande laser est silencieuse et peut être utilisée pas à pas ou en mouvement continu.
Les réponses à la tâche SVV se sont révélées significativement moins précises chez les enfants dyslexiques, que chez les enfants ayant un développement neurotypique. Dans ce dernier cas, la réponse du SVV ne dépend pas des entrées somatosensorielles du pied. En revanche, chez les enfants dyslexiques, les entrées somatosensorielles améliorent ou l’aggravent leur SVV, en fonction de son inclinaison. Dans cette étude exploratoire, les sujets atteints de troubles de la lecture ont présenté un déficit sévère en SVV, pouvant atteindre 50 à 80% de distorsion supplémentaire par rapport aux témoins. Ainsi, des apports somesthésiques de la plante du pied influent sur la perception de la SVV chez les enfants dyslexiques, probablement en raison de leur difficulté à compenser les apports somesthésiques, rendus trompeurs par la mousse.
Ces résultats suggèrent de faibles mécanismes compensatoires dans le traitement de l’information garantissant une représentation appropriée de soi et de l’environnement spatial.
Les auteurs concluent que le rôle des entrées sensorielles doit être davantage pris en compte chez les enfants atteints de dyslexie, et pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour le traitement et la réhabilitation cognitive de ces patients.
L’étude parue dans le journal Frontiers in Neurology, 01 October 2019 :
Impact of Somatosensory Input Deficiency on Subjective Visual Vertical Perception in Children With Reading Disorders