France et dyspraxie.
En retard pour changer ?
La vision française de la dyspraxie développementale ou TDC (trouble développemental de la coordination) s’appuie sur une compréhension développementale du cerveau. L’enfant développe et automatise des praxies ou programmes moteur durant sa croissance et la dyspraxie s’expliquerait par un ou des déficits du cerveau de l’enfant à élaborer, à planifier et à automatiser ces programmes moteurs. Le rôle de la proprioception, qui est à la base de l’automatisation des mouvements via le cervelet, n’est pour ainsi dire jamais évoqué par nos chercheurs spécialistes français de la dyspraxie. Aucune remédiation s’appuyant sur ce sens n’est explorée par ces chercheurs cognitivistes : « on ne va pas chercher à changer l’enfant, même si c’est un des objectifs de la rééducation, on cherche avant tout à changer son environnement » (cf. Caroline Huron dans la conférence Dys-moi tout! en octobre 2019 à 42 mn 20s ).
Pourtant, nous l’avons déjà vu, quand on sort de France, on trouve facilement des allusions à un déficit au niveau sensoriel, dont proprioceptif, comme ici dans un dossier de l’association Suisse Dyspra’quoi daté de novembre 2000.
Le système proprioceptif
Ce système est détecté par les récepteurs mécaniques de la peau, des muscles, des tendons, des articulations.
Les récepteurs renseignent : sur la statique, l’équilibre ; les déplacements du corps dans l’espace.[…]
L’enfant dyspraxique peut donc par la déficience d’un de ses systèmes compromettre la qualité des informations sensorielles transmises vers le cerveau et donc générer une action peu optimale.
En octobre 2019, je vous avais invités à regarder une émission Suisse sur la dyspraxie, où l’hypothèse d’une mauvaise perception du corps était évoquée et où une neuropédiatre nous expliquait ce qu’est la proprioception. Le reportage montrait le recours à des gilets lestés qui donnent des informations proprioceptives et permettent à l’enfant de mieux sentir son corps, durant les rééducations :
En avril 2021, c’est Patrice Goldberg, dans l’émission belge de vulgarisation scientifique Matière Grise de la RTBF, qui nous explique qu’une solution qui peut-être proposée dans la dyspraxie est de demander à l’ enfant de porter un gilet lesté à certains endroits, particulièrement au niveau des bras, pour que l’enfant puisse se rendre compte du poids et de l’importance de son épaule, de son coude, etc. Et selon lui, au fur et à mesure de son apprentissage de son propre corps, le jeune dyspraxique va pouvoir s’améliorer dans les autres apprentissages, le plus important étant d’apprendre à écrire. Il ajoute que les enfants qui bénéficient de ce traitement progressent assez rapidement. Nous sommes bien là au cœur de la plasticité sensorimotrice, sur laquelle s’appuie aussi le traitement proprioceptif du SDP.

Cette vidéo peut être visionnée en suivant le lien : là ou sur Facebook : là.
Mais en France, alors que nous avons des laboratoires de recherche à la pointe sur le sujet, la plasticité sensorimotrice * est peu connue, jamais évoquée dans les médias, les conférences ; les cognitivistes dominent. Je me souviens des commentaires lunaires dans une groupe de discussion français sur Facebook consacré aux Dys, sous cette vidéo : « il ne semble tout de même pas connaître parfaitement son sujet », « il a pris des informations éparses ici et là et en a tiré des conclusions trop rapides, sans aucun recul », « il sort clairement de son champ de compétence », « informations un tantinet douteuses », « J’aimerais avoir l’avis sur la question de madame Mazeau.« , « Encore une solution miracle à la mords moi le nœud !!! »
On mesure, dans ces commentaires, le retard de notre pays dans la communication sur les avancées majeures dans le courant des neurosciences relevant de la conception « incarnée » de la cognition. A quand une véritable communication sur le sujet ? Cela doit-il relever uniquement d’une association de patients comme la nôtre ? Cette ignorance est désespérante !
Note * : La plasticité sensorimotrice c’est la capacité qu’a notre cerveau à créer de nouvelles connexions neuronales et à se réorganiser sous l’effet d’un entrainement qui met à la fois en jeu nos mouvements et nos sens, et plus particulièrement la proprioception, le système vestibulaire et la vision. Par exemple, l’apprentissage de l’écriture est un entrainement sensorimoteur.
Ping : Dans la vie d’un enfant dyspraxique, par Pierre Lemaitre – SensoriDys