Habiletés et capacités motrices dans la dyslexie développementale : revue systématique et méta-analyse

Motor skills and capacities in developmental dyslexia: A systematic review and meta-analysis


A propos de l’étude

Au cours des dernières décennies, les liens entre les compétences académiques, telles que la lecture, l’écriture et le calcul, et les compétences motrices, ont fait l’objet d’une attention croissante. De nombreuses études ont aussi mis en évidence des difficultés motrices, concernant à la fois la motricité fine et globale, chez les enfants et adolescents dyslexiques, suscitant un intérêt croissant pour cette association de difficultés. Beaucoup d’études ont montré que les enfants et adolescents dyslexiques rencontrent des problèmes dans plusieurs tâches motrices, comme les compétences locomotrices et de contrôle du ballon. Dans les études qui comparent les enfants avec et sans dyslexie, les pires performances motrices qui ont été retrouvées chez les dyslexiques étaient plus particulièrement des tâches consistant à enfiler des perles et d’équilibre.

Cependant, des résultats contradictoires ont émergé dans la littérature, c’est pourquoi les auteurs de cette publication ont pointé la nécessité de réaliser une méta-analyse combinant ces multiples résultats (Par conséquent, ces chercheurs ont réalisé une méta-analyse en utilisant PsycINFO, Pubmed et SportDiscus comme bases de données scientifiques). Ce travail représente la première tentative de revue systématique de la littérature pour compiler et synthétiser ces résultats. A noter qu’une métanalyse fournit un outil puissant pour regrouper les résultats issus de différentes études. Les chercheurs ont émis deux hypothèses :

  • Premièrement, les enfants et les adolescents atteints de dyslexie présentent des déficits dans plusieurs aptitudes/capacités motrices, quand on les compare à des groupes témoins du même âge (H1).
  • Deuxièmement, la dyslexie est associée à des performances plus faibles dans diverses tâches motrices, quels que soient le niveau scolaire des sujets et le type de compétences motrices étudiées (H2).

Dans cet objectif, ils ont réalisé une méta-analyse de la littérature en évaluant les études les plus récentes évaluées par les pairs, publiées entre 2000 et 2022. Ils ont décidé de se concentrer uniquement sur les études impliquant des jeunes âgés de 6 à 18 ans. Cette tranche d’âge a été choisie parce que les troubles d’apprentissage, tels que la dyslexie, apparaissent fréquemment au sein des populations d’âge scolaire et que leur objectif était de concentrer leurs efforts sur une population en développement. Seuls les articles évalués par des pairs et rédigés en anglais ont été examinés, afin que les études sélectionnées répondent à des normes élevées de qualité, méthodologie et validité. Ils ont décidé de n’inclure que les études ayant évalué des enfants et adolescents ayant reçu un diagnostic de dyslexie obtenu à la suite d’un test standardisé (et non basé sur les jugements des enseignants ou des parents). Enfin, toutes les études sélectionnées devaient présenter un groupe contrôle d’enfants au développement typique.

Au départ, les mots-clés et termes de recherche ont mis en évidence un total de 572 études publiées, réalisées dans les années 2000 à 2022. Finalement, un total de 23 études répondait à tous les critères d’éligibilité et d’inclusion et ont été inclus dans la présente méta-analyse (NdA : à noter que parmi elles, deux études du laboratoires INSERM CAPS de Dijon) :

Conclusions

La principale conclusion de cette méta-analyse est que les enfants et les adolescents atteints de dyslexie présentent bien des déficits au niveau des habiletés/capacités motrices, quand on les compare aux groupes contrôles correspondant à leur âge. En particulier, les sujets dyslexiques ont montré des performances inférieures dans plusieurs habiletés motrices, telles que l’écriture manuscrite, l’ intégration visuo-motrice, l’équilibre, la coordination, la dextérité, et la stabilité. Ce résultat est donc conforme à la première hypothèse des chercheurs (H1) et fournit un soutien supplémentaire à l’hypothèse du lien entre compétences en lecture et habiletés motrices. Dans le même esprit, d’autres études ont rapporté un rôle des habiletés motrices dans l’acquisition de compétences académiques.  Par exemple, Son et Meisels (2006) ont évalué les données d’une large cohorte et ont démontré que les capacités motrices des enfants dans les premières années de maternelle, particulièrement leur motricité visuelle, ont contribué de manière significative à la lecture et aux acquis en mathématiques à la fin du CP. Ces résultats confortent l’hypothèse d’une association entre habiletés motrices et acquisition de la lecture et suggèrent que les habiletés motrices peuvent être liées non seulement aux capacités de lecture, mais aussi aux compétences en mathématiques.

Une autre conclusion importante de cette méta-analyse est que les déficits des enfants et des adolescents dyslexiques restent significatifs dans les diverses tâches motrices, incluant des tâches de motricité fine et globale (voir H2). Seul le niveau scolaire des participants semble modérer cette différence entre les deux groupes. En particulier, les performances motrices des enfants et adolescents dyslexiques et contrôles semblent diverger plus fortement à l’école primaire que dans le secondaire. Une interprétation de ce résultat peut être que les enfants/adolescents plus âgés sont capables de mieux compenser leurs difficultés, permettant ainsi de minimiser, au moins en partie, les conséquences des troubles moteurs et/ou de la lecture.

Les conclusions de cette étude sont en accord avec la littérature, qui soutient un lien étroit entre troubles de la lecture et difficultés dans les habiletés motrices. Les contextes d’apprentissages scolaires et d’activité physique suivent des chemins extrêmement interconnectés. Les auteurs de l’étude pensent que la connexion qu’ils ont mis en évidence pourrait être utilisée de manière efficace pour favoriser la lecture et les habiletés motrices, aussi bien chez les enfants et les adolescents au développement typique que chez ceux au développement atypique, avec une attention particulière pour les jeunes aux besoins spéciaux.

Pour les auteurs, ce sujet est devenu un domaine de recherche vraiment stimulant, mais encore insuffisamment exploré et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour démêler les processus en jeu au-delà de l’influence réciproque de ces facteurs cognitifs et moteurs.

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