L’altération de la fusion binoculaire modifie l’intégration audiovisuelle chez l’enfant

Des chercheurs ont étudié, la qualité de l‘intégration audiovisuelle chez l’enfant, c’est à dire la manière dont le cerveau intègre simultanément des informations auditives et visuelles.  Leur étude a révélé un phénomène visuel se traduisant par la disparition aléatoire d’une partie de la scène visuelle, causée par une stimulation auditive, lorsque la vision binoculaire est perturbée.

quercia maddox
Capture d’écran de la vidéo de Dove Medical Press, liée à l’article.

Dans une étude publiée dans Clinical Ophthalmology (Volume 13:1137-1145 · July 2019), le Dr Quercia (& coll) a dans un premier temps étudié l’effet d’une altération de la fusion binoculaire¹ sur l’intégration audivisuelle d’ enfants non-dyslexiques.

L’objectif de cette étude était de déterminer si une modification de la vision binoculaire chez les jeunes patients sans antécédents de privation visuelle serait en mesure de changer le codage audiovisuel dans l’enfance. Les auteurs ont émis l’hypothèse qu’une légère altération de la vision binoculaire chez les enfants pourrait considérablement affecter l’intégration audiovisuelle.

Méthodes: À l’aide du test Maddox, utilisé pour perturber la fusion des images rétiniennes, les auteurs ont voulu vérifier si une altération de la vision binoculaire chez les jeunes patients était en mesure de changer l’intégration audiovisuelle. L’étude a été réalisée sur un groupe de dix enfants (cinq garçons et cinq filles âgés de 11,3 ± 1,6 ans) avec une vision binoculaire normale.

maddox ortho

La lumière est située à 4 m du sujet au niveau des yeux.

La ligne rouge peut être créée de deux manières distinctes :

  1. Interposition d’un écran Maddox devant l’œil droit ou gauche tandis que les deux yeux se fixent sur la lumière (Condition A),
  2. Projection d’un faisceau laser émis à distance (4 m ), les deux yeux voyant la lumière et le faisceau laser sans aucune interposition d’écran (Condition B).

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Capture d’écran de la vidéo de Dove Medical Press, liée à l’article.Lorsque l’écran Maddox est utilisé (Condition A), l’apparence de la lumière est modifiée : elle apparaît sur la rétine d’un œil sous la forme d’une ligne rouge. Cette image rétinienne est tellement différente de l’image formée dans l’autre œil que le réflexe de fusion n’est pas stimulé. Par conséquent, l’orientation exacte des deux yeux sur la lumière devient moins stable, car elle est uniquement contrôlée par la proprioception oculaire et la copie d’efférence (2). Cette condition a été obtenue avec l’écran placé devant l’œil droit et devant l’œil gauche de façon aléatoire.

 

condition BLorsque le laser projeté sur la lumière est utilisé (Condition B), l’image reçue par les deux rétines est identique, c’est-à-dire que la vision binoculaire est maintenue. Il faut souligner que le sujet voit une image similaire à celle vue lors du test de la tige Maddox, mais dans ce cas la fusion rétinienne est toujours présente.

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Résultats : L’étude a révélé un phénomène visuel se traduisant par la disparition aléatoire d’une partie de la scène visuelle, causée par une stimulation auditive, uniquement lorsque la vision binoculaire est perturbée.

Au cours du test Maddox, des bruits brefs ont induit des petites pertes visuelles transitoires (scotomes visuels transitoires) dans le champ visuel de l’œil devant lequel la tige de Maddox avait été placée. Les auteurs ont trouvé une corrélation significative entre la modification de la vision binoculaire et la survenue des scotomes visuels transitoires. Mais, la survenue des scotomes visuels transitoires ne dépend ni de la fréquence du son, ni de l’œil devant lequel est placé la baguette de Maddox.

Le contexte visuel particulier créé par le test de tige Maddox peut expliquer les petites pertes visuelles aléatoires transitoires. En effet, ce test oblige le cerveau à percevoir deux images différentes, même si l’entrée visuelle a les mêmes caractéristiques temporelles et spatiales (un seul point éclairé situé au même endroit). Ce contexte visuel peut créer un conflit sensoriel qui expliquerait les scotomes visuels transitoires qui ont disparu lorsque l’image finale perçue (une ligne horizontale rouge superposée sur un point central éclairé en blanc) a été créée par une scène visuelle identique sur chaque rétine (Condition B). Dans l’étude, les auteurs proposent plusieurs explications possibles pour ce phénomène et suggèrent une origine centrale pour les scotomes visuels transitoires.

Conclusion : Chez les enfants ayant une vision binoculaire altérée, l’étude a révélé un phénomène visuel consistant en des disparitions aléatoires d’une partie de la scène visuelle causées par une stimulation auditive. Ce résultat indique un rôle spécifique du système oculomoteur dans le processus d’intégration audiovisuelle chez l’enfant.

Selon les auteurs, le protocole proposé peut donc avoir un intérêt significatif pour les investigations cliniques, en particulier dans le cadre de pathologies du développement où les relations entre la vision et l’ouïe sont spécifiquement affectées.

NDA : Nous attendons avec impatience la publication de cette même étude portant sur les enfants dyslexiques!

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  • Voir l’ article original :

Alteration in binocular fusion modifies audiovisual integration in children

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  • Note¹ : Dans le cadre d’une vision binoculaire (comprendre : des deux yeux simultanément) dite normale, nos deux yeux vont fixer au même moment la même image ce qui va permettre au cerveau la superposition (ou fusion) de ces deux images rétiniennes pour que la résultante soit une image unique. Quand il ne peut le faire, il y a vision double. Cette fusion doit être possible quelles que soient les circonstances (images fixes ou en mouvement, observateur fixe ou en mouvement) et cela grâce à différents réflexes, afin de nous renvoyer la meilleure information visuelle.
  • Note (2) : L’information proprioceptive provenant des muscles oculaires, la tension des muscles (le tonus), indique au cerveau la position des yeux. Mais cette information est relativement lente (temps de conduction le long des neurones) et ne peut suffire. C’est pourquoi la nature nous a donné un autre moyen que l’on appelle « la copie d’efférence » : chaque fois que le cerveau donne un ordre de contraction aux muscles oculaires, il envoie une copie de cette information au cervelet. Ce dernier est constamment en train de vérifier si les informations proprioceptives et visuelles censées revenir lors du mouvement ordonné sont les mêmes que celles qui arrivent vraiment. Si ce n’est pas le cas, alors le retour proprioceptif est analysé plus finement, ce qui permet de corriger les éventuelles erreurs. Ce mécanisme existe pour tous les muscles de l’organisme.

    Ainsi la proprioception est-elle utilisée essentiellement en cas d’erreur et permet de corriger les erreurs. On dit que la proprioception est un correcteur d’erreur (au niveau des mouvements oculaires cela a été démontré par Daniela Balslev). 

    Au total le cerveau a donc besoin d’utiliser 3 données qu’il compare en permanence pour que la vision soit efficiente : images rétinienne, proprioception oculaire et copie d’efférence.

Une réflexion sur “L’altération de la fusion binoculaire modifie l’intégration audiovisuelle chez l’enfant

  1. Ping : Les enfants dyslexiques ont une intégration multisensorielle altérée liée à leur fusion binoculaire – SensoriDys

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