Retour sur le rapport de l’Inserm : efficacité du traitement proprioceptif de la dyslexie / 2016

Récemment, j’ai eu un entretien téléphonique avec un pédopsychiatre s’intéressant à la dysproprioception. Au cours de la conversation, celui-ci m’a indiqué qu’il avait lu le rapport de 2016 de l’INSERM sur le traitement proprioceptif de la dyslexie et m’a demandé si je l’avais lu (ce rapport ne permettait pas de conclure à son efficacité par manque de travaux suffisants).

Je n’ai jamais trouvé utile d’en parler sur ce site, mais bien évidemment je connais ce rapport et je l’ai lu, et même à plusieurs reprises, tant il m’avait mise en colère lors de sa publication. A tel point que c’est une des principales raisons qui nous a poussées, nous les familles, à nous constituer en association pour défendre la prise en charge proprioceptive et soutenir les chercheurs investis dans son évaluation scientifique, notamment au sein de l’U1093 INSERM CAPS.

Mon sentiment sur ce rapport avait été similaire à celui que j’ai pu éprouver en lisant récemment l’avis du comité scientifique de l’UNADREO, Union Nationale pour le Développement de la Recherche et de l’Evaluation en Orthophonie, s’intitulant « Prismes et dyslexie » 1 : un « gloubi-boulga » indigeste et insipide.

Que des experts de l’INSERM « spécialisés dans l’évaluation des thérapies » évaluent une prise en charge faisant l’objet d’une recherche scientifique active au sein même d’une de leur (très bonne) unité, en la mettant au même niveau que d’autres approches et d’autres médecins n’ayant rien à voir avec le traitement proprioceptif en cours d’évaluation scientifique au sein de l’INSERM, m’avait laissée extrêmement perplexe. Je ne vais bien évidemment pas m’étendre sur ce pavé qui mélange aussi dans un paragraphe sur la sécurité du traitement prismes actifs et prismes passifs, en citant une étude où les auteurs s’interrogeaient sur la possibilité d’effets secondaires induits par le port de prismes, alors qu’ils avaient utilisé des prismes passifs de 8∆ sur chaque œil, soit 16∆ en tout, chez des enfants dyslexiques (p.60) ! (Erreur reprise par le comité scientifique de l’UNADREO. Voir mon analyse critique sur ce point dans : Le « gloubi-boulga » de l’UNADREO).

Mais, force est de constater qu’à aucun moment ces experts n’ont essayé de s’intéresser à l’avis des familles, n’ont essayé de les interroger pour comprendre comment leurs enfants évoluaient au fil du temps grâce à ce traitement, pour évaluer si cette prise en charge avait un potentiel intéressant pour l’avenir. Pire, ce rapport cite les témoignages de succès des familles pour n’attribuer celui-ci qu’à la motivation parentale, comme si les familles ne s’étaient découvert une motivation pour soutenir leur enfant qu’après la mise en route du traitement proprioceptif (p.63) :

L’enfant peut être porté par la dynamique qui se met en place et le soutien de ses parents. Rappelons que la motivation des parents est une composante à part entière de ces traitements […] Cette motivation pourrait d’ailleurs être un élément constitutif et explicatif des témoignages de succès du traitement. La littérature foisonne en effet d’études ayant montré l’importance du soutien parental dans le succès des prises en charge pour une grande variété d’indications.

Que ce traitement soit effectivement efficace ne semble pas les effleurer. Et pourtant ce même rapport reconnaît que (p.65):

En général, le traitement proprioceptif de la dyslexie est réalisé en complément des interventions en milieu scolaire et souvent en dernier recours après des essais de recours à d’autres types de prise en charge (type rééducation orthophonique) qui n’ont pas abouti.

C’est donc cela la conception de l’evidence-based medicine, ou médecine fondée sur les données probantes, de ces experts « spécialisés dans l’évaluation des thérapies » ? Une médecine complètement déconnectée du réel et des patients ? Sensoridys préfère quant à elle l’esprit de ses fondateurs, soit une evidence-based medicine qui conjugue l’expertise du clinicien, les données de la recherche et les préférences du patients. C’est la médecine de demain !

Comme je l’ai fait précédement avec le comité scientifique de l’UNADREO, j’invite donc rétrospectivement ces experts à prendre en compte notre expérience profane, comme le recommande Mme Claire Compagnon, Déleguée Interministerielle Autisme et Troubles du Neuro développement, qui déclare :

« Prenez en compte la parole et l’expertise des patients, de leurs famillescar cela va nous faire faire des économies sur le système de santé et cela va surtout nous apporter un meilleur système de santé dans notre pays ».

Je ne vais pas m’étendre plus longtemps sur ce rapport qui nous avait mis très en colère, j’y vois néanmoins aujourd’hui plusieurs points positifs :

  • il est à l’origine de la création de Sensoridys, notre association de patients étant une réponse à celui-ci,
  • il conclut qu’à un niveau individuel, les données de sécurité étant rassurantes il n’y a pas d’éléments pour contre-indiquer le recours à cette prise en charge si elle est souhaitée (p.62),
  • il indique que la prise en charge orthophonique ne dispose pas non plus d’un niveau de preuve suffisant pour en affirmer l’efficacité (p.61 et 65) : « La rééducation orthophonique telle qu’elle est pratiquée en cabinet en France, même si elle est communément considérée comme le traitement de référence, n’a pas été validée scientifiquement par des études de type essais contrôlés randomisés. En toute rigueur scientifique, on n’a donc aucun argument pour alerter sur un éventuel risque du recours au traitement proprioceptif en lieu et place du traitement orthophonique, puisque les bénéfices de ce dernier n’ont pas été démontrés. » « D’autre part, il faut rappeler que le traitement orthophonique, même s’il est communément considéré comme le traitement de référence, n’a pas été validé scientifiquement par des études de type essais contrôlés randomisés. » En résumé, on exige du traitement proprioceptif de la dyslexie un niveau de preuve que ne présentent pas la plupart des rééducations proposées de manière courante dans le cadre des troubles des apprentissages.

En conclusion, si Sensoridys existe aujourd’hui c’est en grande partie grâce à ce rapport, en cela je peux dire que Sensoridys remercie l’INSERM. Notre association est maintenant partenaire de l’U1093 INSERM CAPS et soutient ses chercheurs, d’autres études ont été publiées ou sont en cours et Sensoridys considère ce rapport comme complètement dépassé. On peut finalement dire que ce rapport de l’INSERM a été un mal pour un bien et dorénavant, Sensoridys se tourne vers l’avenir en partenariat avec la recherche !

Corinne GRANDVINCENT, Présidente de Sensoridys

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