Il y a quelques temps, je vous avais recommandé la réédition 2023 du livre du Dr Gabriel Wahl « Les enfants Dys », dans la collection « Que sais-je ? ». En effet, celui-ci bien que sceptique au départ, a fait l’effort d’approfondir le sujet de la dysproprioception, avant d’y consacrer un chapitre de son livre. Et je le remercie une nouvelle fois pour sa curiosité et son ouverture d’esprit si peu ordinaires.

Je ferai une critique bien moins élogieuse de la réédition 2023 du livre de Michel Habib « J’ai des Dys dans ma classe », aux éditions « Deboeck supérieur ». Michel Habib a peut-être des Dys dans sa classe, mais bien peu de rigueur et de déontologie scientifique dans son cartable (ou plutôt dans son livre), s’agissant de la prise en charge proprioceptive !

D’ailleurs, puisqu’il est chercheur associé au CNRS, je l’invite à bien (re)lire la charte de déontologie du CNRS, ainsi que le référent déontologue du CNRS, Joël Moret-Bailly, qui précise qu’ « un chercheur ou une chercheuse n’échappe pas au droit commun pour n’obéir qu’à ses propres règles ».

Tous les coups ne sont pas permis entre chercheurs, d’autant plus si leurs prises de position publiques sont à l’origine de maltraitances institutionnelles et associatives à l’égard des familles, comme c’est le cas s’agissant des parents de Dys dysproprioceptifs, et à une perte de chance de certains de ces enfants dont les familles finissent par renoncer à cette prise en charge du fait des obstacles nombreux qu’ils rencontrent. Nous avons malheureusement régulièrement des plaintes de familles.

Ainsi donc, j’ai découvert dans cette réédition 2023, à la page 89, que le trouble de la proprioception et sa prise en charge, qui font pourtant l’objet d’une recherche active au sein de l’U1093 INSERM CAPS depuis près de 20 ans, sont amalgamés à d’autres prises en charge dans un chapitre s’intitulant « Les méthodes miracles ».  Je tiens à préciser que la prise en charge proprioceptive n’est pas « une méthode miracle », c’est une rééducation sensorimotrice longue et exigeante.

En effet, la proprioception est un sens qui a la particularité de s’appuyer sur la plasticité sensorimotrice. La prise en charge proprioceptive vise à reprogrammer la proprioception générale et à supprimer ainsi les nombreux conflits sensoriels engendrés par des informations proprioceptives erronées. Associée aux rééducations classiques, notamment orthophoniques dans la dyslexie, elle peut avoir des résultats spectaculaires, allant jusqu’à la restauration des fonctions cognitives touchées, ce que constatent de nombreuses familles de notre association, mais elle permet aussi de faire disparaître les symptômes non scolaires induits par une dysproprioception. Dans le cadre des troubles Dys, la prise en charge proprioceptive est toujours décrite comme un préalable aux autres rééducations, il est donc absolument FAUX d’écrire s’agissant de celle-ci : « l’enfant est détourné des soins en orthophonie, seule mesure actuellement reconnue pour son efficacité ». J’invite Michel Habib à lire le chapitre consacré à la dysproprioception dans le livre de son confrère Gabriel Wahl, pour commencer à s’informer sur le sujet et comprendre enfin la place de l’orthophonie dans la prise en charge proprioceptive (p 115). En effet le Dr Wahl a bien compris, lui, que les enfants ne sont pas détournés de la prise en charge orthophonique !

« Les défenseurs du traitement proprioceptif de la dyslexie précisent toujours que leurs préconisations thérapeutiques ne doivent représenter qu’un complément ou un préalable aux traitements orthophoniques « classiques », mais en aucune façon s’y substituer. »

Deux médecins, deux attitudes diamétralement opposées dans la manière d’aborder ce traitement !

Michel Habib fait aussi un amalgame entre le traitement proprioceptif et d’autres prises en charges pour lesquelles il écrit : « Différents praticiens pensent réellement pouvoir aider ou profitent de cette manne pour proposer à travers des disciplines sans fondement scientifique des solutions alternatives […] ». Je vais laisser mes lecteurs apprécier à sa juste valeur la déclaration selon laquelle les praticiens qui ont suivi une formation universitaire à l’Université de Bourgogne, le DU PATA, « pensent réellement pouvoir aider ou profitent de cette manne » ; pour m’attarder sur le fait que cette prise en charge serait selon lui sans fondement scientifique. Michel Habib est-il un expert de la fonction sensorimotrice pour se permettre de se prononcer sur les bases scientifiques de cette prise en charge ? Serait-il plus compétent sur ce sujet que les chercheurs de l’U1093 INSERM CAPS dont c’est le domaine de recherche et d’expertise ?

Par ailleurs, il nous parle de « méthode de Lisbonne » (???), d’un accroissement des difficultés en lecture dans 10% des cas, nous dit que cette prise en charge engendrerait « un inconfort là où il n’y en avait pas ». C’est tellement pitoyable que cela me laisse sans voix. Nous prend-il, nous les familles, pour de telles imbéciles que nous nous obstinerions dans une rééducation sensorimotrice longue et exigeante qui aggraverait 10 % de nos enfants et provoquerait un inconfort là où il n’y en avait pas ? A t’il suivi les dernières publications scientifiques sur le sujet ? Se tient-il à jour de l’état de la recherche réalisée depuis près de 20 ans pour pouvoir en parler ? S’est-il tenu informé de l’évolution de l’examen proprioceptif et de ce traitement durant cette longue période ?

A la lecture du paragraphe « Les méthodes miracles » de son livre, un minimum de bibliographie et une réactualisation des connaissances sur le sujet me semblent plus que nécessaires pour son auteur !  Il me semble aussi judicieux de lui conseiller de venir à la rencontre des experts de la fonction sensorimotrice pour mieux appréhender le sujet sur lequel il donne son opinion. Enfin, pour terminer, je l’invite à descendre de sa tour d’ivoire pour venir à la rencontre des familles et s’intéresser au savoir profane, comme d’autres ont su le faire avant lui avec beaucoup d’humilité ! Cela lui aurait évité d’écrire cette soupe infâme, un gloubi-boulga indigeste de plus.

En conclusion, je ne vous recommande absolument pas l’achat de ce livre !

Note : A noter que Michel Habib est impliqué dans le projet Mila/Poppins qui lève actuellement 8M€ de fonds pour accélérer le déploiement de sa thérapie digitale pour les enfants DYS. No comment !

Pour rappel, la liste des publications de l’U1093 INSERM CAPS sur le sujet :

BIBLIOGRAPHIE :

1 : Laprevotte, J., Papaxanthis, C., Saltarelli, S. et al. Movement detection thresholds reveal proprioceptive impairments in developmental dyslexia. Sci Rep 11, 299 (2021). https://doi.org/10.1038/s41598-020-79612-4

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5 : Mettey A, Bouvier AM, Jooste V, Boucher Y, Quercia P. Are changes in the stomatognatic system able to modify the eye balance in dyslexia? J Oral Biol Craniofac Res. Apr-Jun 2019;9(2):166-171

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7 : Quercia P, Quercia M, Feiss LJ, Allaert F. The distinctive vertical heterophoria of dyslexics. Clin Ophthalmol. 2015 Sep 25;9:1785-97

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12 : Pozzo T, Vernet P, Creuzot-Garcher C, Robichon F, Bron A, Quercia P. : Static postural control in children with developmental dyslexia. Neurosci Lett. 2006 Aug 7;403(3):211-5. Epub 2006 Jun 23.

13: Quercia P, Chariot S, Seigneuric A, Vernet P, Pozzo T, Bron A, Creuzot C, Robichon F : Developmental dyslexia: Visual abnormalities during ocular rotation. Investigative Ophthalmology & Visual Science – Special Issue for ARVO (Association for Research in Vision and Ophthalmology) . Ft lauderdale (USA) May 2005.

14: Quercia P, Seigneuric A, Chariot S, Vernet P, Pozzo T, Bron A, Creuzot-Garcher C, Robichon F. : Ocular proprioception and developmental dyslexia. Sixty clinical observations. J Fr Ophtalmol. 2005 Sep;28(7):713-23.