La perception rapide, inconsciente, que nous avons avant que le cerveau n’ait fait le tri des informations sensorielles qui arrivent ensuite à notre conscience, est au cœur de l’hypothèse de l’origine proprioceptive de certains troubles des apprentissages. Une grande partie de nos capacités cognitives est inconsciente, et nous serions d’ailleurs bien moins efficients si nous n’avions que nos capacités conscientes. Néanmoins, le danger pour le cerveau est de passer à côté d’informations essentielles. Mais, où notre cerveau sélectionne t’il et réorganise-t-il en partie la réalité pour lui donner un sens ?
Dans deux émissions récentes du Mag de la Santé, Sylvie Chokron, neurologue, développe cette notion de perception consciente et inconsciente. Elle explique que notre perception consciente peut nous jouer des tours, car elle peut être différente d’un individu à l’autre (l’information visuelle pouvant être traitée différemment d’un cerveau à l’autre), mais que notre perception inconsciente peut aussi être utilisée à notre insu pour nous influencer, comme dans le cadre du neuromarketing.
Elle explique que cette perception inconsciente est très proche de la vision d’alerte inconsciente, que nous avons hérité de nos ancêtres. Cette vision d’alerte nous intéresse plus particulièrement, car elle met en jeu la proprioception.
Voici deux liens vers ces émissions et les vidéos où elle intervient, j’y ai sélectionné quelques informations directement en rapport avec notre sujet.
De quelle couleur voyez vous cette robe, blanche ou bleue ?
Percevoir et réagir à des stimulations à notre insu
A chaque instant, notre cerveau perçoit et analyse des informations, dans toutes les modalités sensorielles à notre insu et qui nous échappent totalement.
Une grande partie de ces informations restera d’ailleurs toujours inconsciente. Des milliers d’informations arrivent à notre cerveau sans que nous en soyons conscient. Par exemple le contact du sol sous nos pieds, ou encore de notre rythme cardiaque ou de la température extérieure. Au moment où on cite ces perceptions, on est capable de diriger notre attention vers celles-ci et on en prend conscience, mais même si on n’en avait pas parlé, notre cerveau les aurait traitées sans qu’on en ait conscience.[…]
Percevons-nous des informations sans en avoir conscience ?
Cette vision est très proche de ce qu’on appelle la vision d’alerte qui désigne la vision très rapide et souvent non consciente que nous avons hérité de nos ancêtres. C’est le cas lorsque nous faisons un écart lorsque nous conduisons pour éviter un obstacle. Le plus souvent, au moment où nous adaptons notre trajectoire, nous ne savons même pas ce que nous avons évité. C’est a posteriori, grâce à un processus bien plus lent que nous allons identifier cet obstacle consciemment.
Notre cerveau est-il plus rapide que nous ?
Peut-on agir sans en avoir conscience ?
Lorsque la réaction doit être très rapide, ou que nous sommes en danger, la perception du stimulus dangereux et la réaction à ce stimulus se font très rapidement, et donc sans conscience. Nous avons sans doute hérité cette capacité de l’époque où nous devions échapper à des prédateurs. Par contre, ce qu’on sait moins, c’est que même lorsqu’on prend la décision d’aller attraper un objet, il existe un signal qu’on peut enregistrer au niveau cérébral qui précède de plusieurs dizaines de millisecondes la prise de décision consciente de bouger un bras par exemple. […]
En réalité, il se pourrait tout simplement que nos intentions soient tout d’abord inconscientes avant d’être conscientes, et c’est peut-être un leurre d’imaginer que toutes nos intentions d’agir sont véritablement conscientes. Ce qui semble acquis c’est que la conscience de réaliser un acte peut survenir après la décision physiologique de le réaliser.
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Dans le cadre de cette émission, Sylvie Chokron ne nous explique pas où se joue la vision inconsciente d’alerte. Mais, son fonctionnement nous est expliqué par Bruce Benaram, de la chaîne Youtube de vulgarisation scientifique : e-penser, dans deux épisodes consacrés à la vision. Dans le premier, il nous décrit le fonctionnement de l’œil et dans le deuxième (que je vous recommande vivement), il nous explique comment le cerveau traite l’information visuelle pour construire notre perception consciente (voir sources).
Il nous explique que c’est vers le colliculus supérieur que se dirigent 10% des fibres optiques issues de l’œil. Son rôle majeur est de diriger notre regard et notre attention vers les objets d’intérêt, grâce aux mouvements oculaires les plus rapides : les saccades. Cette petite structure « court-circuite » le cortex visuel (où est traité l’information visuelle consciente), elle permet un traitement immédiat et inconscient de l’information visuelle (Nous apprenons que le colliculus Inférieur agit de la même façon au niveau de l’audition et que les deux colliculi, inférieurs et supérieurs, interagissent et échangent en permanence des informations.).
Toutes les découvertes passées et récentes sur le colliculus supérieur concourent à le présenter comme une structure clé dans la sélection visuelle
Dans leur livre « Oeil et bouche » p.39-40, les Drs. Quercia et Marino nous expliquent ce qui se passe au niveau du colliculus :
La voie rétino-tectale correspond à 10% des fibres optiques. Son importance est primordiale dans la coordination des mouvements de la tête et des yeux, et dans la stabilisation de l’image rétinienne.[…] elle se termine dans une région nommée colliculus supérieur (CS) chez les mammifères. […]
Associés aux colliculi inférieurs qui font partie de la voie auditive, ces noyaux de petite taille (6 mn) intègrent les informations visuelles et auditives avec les informations somato-sensorielles liées aux mouvements de la tête et du corps dans le but d’orienter le regard vers les centres d’intérêt qui nous entourent.[…]
Il est à noter que le CS représente une structure sensorimotrice, dont le rôle est central dans le déclenchement et l’orientation des saccades oculaires vers un sujet digne d’intérêt. Il y existe des connections quasi-directes entre informations sensorielles et motrices. On y trouve aussi des neurones mixtes visuo-moteurs, mais aussi des neurones pluri sensoriels (capables de décharger pour des stimuli visuels, auditifs, tactiles et proprioceptifs). Il s’agit donc d’une structure cérébrale dans laquelle les liens sensorimoteurs sont très étroits, rapides et reposent sur une perception multi-sensorielle inconsciente.
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Notre perception consciente n’est qu’une construction de notre cerveau qui sélectionne les informations qu’il reçoit de ses sens en fonction de ses objectifs, de ses expériences antérieures, de ses prédictions, etc. Cette notion est essentielle pour comprendre la manière dont la proprioception participe à cette sélection et donc, l’hypothèse de l’origine proprioceptive de certains troubles des apprentissages.
Voir aussi :
- (A partir de 4min40 , Stanislas Dehaene nous explique que ce que nous voyons en permanence n’est qu’une reconstruction de la réalité extérieure.)
- Article : Voie Rétino-tectale : colliculus supérieur (Site Vétopsy.fr)
Sources Vidéo :