Comment le cerveau construit sa réalité

Je vous propose un nouvel article sur la manière dont notre cerveau construit sa réalité, publié dans Pour la Science et Cerveau et Psycho. Il explique très bien le lien entre perception et action et aborde la notion de décharge corollaire, ou copie d’efférence, très impliquée dans le rôle de la proprioception et dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises (par exemple ou ). Voici d’ailleurs un schéma très simplifié pour essayer de faire comprendre cette notion dans le cadre du contrôle moteur.

Dans l’ article de Pour la Science, l’auteur va plus loin que le contrôle moteur, puisqu’il traite de la manière dont le cerveau se forge une représentation du monde au travers de la perception et de l’action. Je reproduis ici un extrait de cet article en lien avec la décharge corollaire, ou copie d’efférence, mais je vous invite à le découvrir en entier :

Contrairement à ce qu’on a longtemps supposé, le cerveau ne forge pas sa représentation du monde en recevant passivement des stimuli qui s’impriment dans ses neurones. Il produit des activités neuronales spontanées, incessantes, qui sont comparées à la réalité autour de lui, et qui valident ou non un modèle de cette dernière. […]

Le cadre théorique outside-in repose, lui, sur une chaîne d’événements allant de la perception à la décision et à l’action. Dans ce modèle, les neurones des zones sensorielles sont « pilotés » par des signaux environnementaux et ne peuvent donc pas relier leur activité à autre chose. Sauf que le cerveau n’est pas une unité de traitement en série. Au contraire : toute action entreprise par une personne implique par exemple que les zones motrices du cerveau informent le reste du cortex cérébral de l’action initiée, via un message nommé « décharge corollaire ». C’est une modalité clé de l’ancrage – détaillons-la.

Les circuits neuronaux impliqués dans le déclenchement d’une action se consacrent à deux tâches spécifiques. Premièrement, ils envoient une commande aux muscles oculaires et à d’autres capteurs corporels (comme les doigts lorsqu’on attrape un objet et la langue quand on parle). Ces circuits orientent les capteurs corporels dans la direction optimale pour détecter la source d’entrée d’un stimulus sensoriel de manière rigoureuse. Par cette action, les circuits neuronaux renforcent la capacité du cerveau à identifier la nature et la localisation des signaux, initialement ambigus, que nous percevons par nos sens.

Mais la deuxième tâche de ces circuits neuronaux consiste à envoyer des copies de la commande ou des « notifications » – les fameuses décharges corollaires – aux zones sensorielles et à d’autres aires cérébrales qu’on qualifie d’ordre supérieur. Un peu comme le reçu que l’on réceptionne lorsqu’on envoie un courrier en lettre recommandée. Les neurones qui déclenchent les mouvements oculaires informent également les zones sensorielles visuelles du cortex de l’ordre qu’ils ont donné aux muscles oculaires. Le cortex visuel compare les deux et s’il ne voit pas de différence, c’est que le mouvement de l’image sur la rétine est identique au mouvement des yeux, ce qui implique que l’objet observé est immobile. Alors que si une différence est notée, cela implique que l’objet est en mouvement.

De la même façon, la théorie de la décharge corollaire permet de savoir si le mouvement d’un objet est provoqué par l’observateur lui-même (par exemple, s’il tient une fleur dans sa main et la fait bouger) ou s’il est dû à une cause extérieure (si la fleur oscille au vent). Cette fois, il faut rajouter une décharge corollaire envoyée par la zone du cerveau commandant les mouvements de la main vers les zones sensorielles visuelles du cortex : si aucune différence n’est relevée, cela signifie que le mouvement observé est dû à l’action de la main.

Cette décharge corollaire fournit ainsi un message de confirmation aux circuits sensoriels – confirmation que « notre propre action est bien la cause du changement » – qui en ont besoin pour « s’ancrer », c’est-à-dire pour interpréter les modifications des schémas d’excitation neuronale résultant des entrées sensorielles. De manière générale, la décharge corollaire fournit un message de confirmation aux circuits sensoriels – confirmation que notre propre action est bien la cause du changement enregistré – qui en ont besoin pour établir une référence au monde extérieur. Sans cette mise en action de l’observateur humain, les seuls stimuli de la fleur – les photons arrivant sur la rétine – ne sauraient être transformés en une description détaillée des attributs de la fleur, comme sa taille ou sa forme. La perception peut donc être définie par le résultat de nos actions et non de ce que nous recevons passivement par nos sens.

L’article dans son intégalité : ou .

Pour aller encore plus loin dans la réflexion sur la manière dont notre cerveau construit ‘notre réalité’, je vous invite à visionner cette vidéo d’une conférence TED en anglais (sous-titrage en français disponible) du neuroscientifique Anil Seth.

En ce moment-même, des milliards de neurones dans votre cerveau travaillent ensemble afin de générer une expérience consciente — et pas n’importe laquelle, l’expérience du monde qui vous entoure ainsi que votre propre expérience au sein de ce monde. Comment cela se produit-il ? Selon Anil Seth, un neuroscientifique, nous hallucinons tous tout le temps ; lorsque nous sommes en accord avec nos hallucinations, nous les appelons « réalité ». Rejoignez Seth pour une conversation délicieusement déroutante qui risque de vous faire remettre en question la nature même de l’existence.

2 réflexions sur “Comment le cerveau construit sa réalité

  1. Ping : Proprioception et automatisation des mouvements – SensoriDys

  2. Ping : Proprioception et dyspraxie – SensoriDys

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